Le râteau

Référence: 
A07
Remarque: 
L’odorat procure aussi, souvent, des sensations désagréables, comme celles qu’évoque la scriptrice amblyope A7.

Un quidam appelle l’ascenseur depuis un étage inférieur : il est pressé ; il appuie trois fois sur le bouton. Vaine entreprise, qui me fait sourire.

Je lui laisse son transport et pousse la porte palière. Les effluences d’urine et de tabac froid me prennent à la gorge. Elles couvrent l’âcre velouté du café que j’avais encore en bouche. Je soupire ; les occupants nocturnes de la cage d’escalier ne pourraient-ils pas faire un effort et m’épargner, dès potron-minet, les relents de leur invasion ? Ma protestation est vaine. Elle me réveille, un peu.

J’amorce ma descente. Mon avant-bras court à quelques millimètres de la rampe. Je pose les pieds sur les marches avec précaution. Je crains les obstacles que nos hôtes auraient créés durant la nuit.

Je descends. La pestilence urineuse devient insupportable. Mon avant-bras se rapproche encore de la rampe. Il fait bien. Mon pied provoque la chute d’une canette vide. Elle caracole. Je sursaute. Je m’accroche à la rampe ; je la lâche dès mon équilibre rétabli. J’attends. La canette s’est arrêtée. Je repars et l’évite.

J’arrive au premier. J’entame la partie la plus difficile. Le sol est collant. Trois marches plus bas, il est glissant.

J’essaie de contourner la flaque en visant le centre du colimaçon ; les pisseurs de la nuit déposent plus volontiers leur miction côté mur extérieur. C’est ainsi, un truc de garçons, j’imagine. Ma déduction fonctionne. Aucune goutte ne saute jusqu’à mon mollet recouvert d’une trop courte chaussette pour me protéger de l’éclaboussure. Ma peau est sauve. Mes poumons, eux, refusent de respirer tant l’air a atteint le stade du délétère.

La porte qui mène au hall est là, enfin. Je presse la poignée et pousse.

Mes poumons font le plein le temps de passer devant les boîtes aux lettres. L’extérieur m’attire.